Ousmane Sonko, menacé de condamnation pour viols et d’inéligibilité, reste « serein »

L’opposant sénégalais Ousmane Sonko est « plus que serein » selon un avocat après le procès pour viols qui s’est tenu en son absence et qui pourrait entraver sa candidature à la présidentielle en 2024 au bout de deux ans de tensions politico-judiciaires.

Les Sénégalais pourraient connaître la semaine prochaine le dénouement d’une histoire qui défraie la chronique depuis 2021.

Elle a atteint un nouveau sommet mardi avec un procès mené au pas de course pendant 17 heures (avec les interruptions), occasion d’un déballage partagé en temps réel avec le grand public par les journalistes présents grâce à internet.

La chambre criminelle a mis sa décision en délibéré au 1er juin.

Le procureur Abdou Karim Diop a requis la condamnation de M. Sonko à dix ans de réclusion pour viols, ou au minimum à cinq ans de prison pour « corruption de la jeunesse », ainsi qu’un an de prison pour les menaces de mort qu’il aurait proférées contre la plaignante.

La commission des viols ne fait pas de doute, a argué le magistrat dans un réquisitoire expéditif.

M. Sonko est visé par la plainte d’Adji Sarr, 23 ans, employée du salon Sweet Beauté. La jeune femme, devenue une célébrité à son corps défendant et placée sous protection policière, a maintenu que M. Sonko avait abusé d’elle – « cinq fois » – entre 2020 et début 2021 et l’avait menacée de mort si elle parlait.

Des témoins ont contesté sa déposition sur différents points.

L’enjeu dépasse les moeurs. M. Sonko risque son éligibilité, déjà compromise par une condamnation à six mois avec sursis pour diffamation contre un ministre. Le président du parti Pastef-les Patriotes, troisième de la présidentielle en 2019, a toujours réfuté les accusations et crié au complot du pouvoir pour l’écarter de la présidentielle.

M. Sonko est populaire chez les moins de 20 ans qui représentent la moitié de la population. La mobilisation de ses supporteurs à l’occasion de ses rendez-vous avec la justice a donné lieu à des incidents et des troubles, y compris mortels. La tension s’annonce à nouveau forte autour du 1er juin.

Disant craindre pour sa sécurité et remettant en cause l’impartialité de la justice, M. Sonko a décidé de ne pas comparaître.

Il est présumé se trouver à Ziguinchor (sud), dont il est le maire et où il est retiré depuis plusieurs jours, quasiment invisible. Ses partisans montent une garde étroite et menaçante autour de son domicile pour parer une éventuelle tentative d’arrestation.

 Avocats absents

A Ziguinchor aussi, l’affaire divise. Le président « Macky Sall s’acharne contre Sonko depuis cinq ans, simplement parce qu’il suscite l’espoir », s’indigne Amadou Badji, un retraité de 75 ans. « Depuis l’indépendance du Sénégal, je n’ai jamais vu une pareille histoire ».

Algassim Diallo, vendeur de café de 33 ans, exprime un autre sentiment répandu: « On en a ras-le-bol de ce procès. Ça fait deux ans maintenant que le Sénégal est pris en otage pour une histoire de viols. Tout est au ralenti, commerçants, chauffeurs, tout le monde se plaint. Il est l’heure de passer à autre chose ».

M. Sonko, lui, « est plus que serein », a dit à l’AFP Me Ciré Clédor Ly, l’un de ses avocats qui a dit se trouver auprès de lui à Ziguinchor. Après le procès, « le monde est édifié sur le complot d’Etat, (argumentaire) qui a toujours été soutenu » par la défense, a-t-il dit.

Le gouvernement dément toute instrumentalisation de la justice et allègue une affaire privée.

Personne n’a défendu M. Sonko mardi au procès. Ses avocats ont quitté l’audience. Les avocats de sa co-accusée, Mme Ndèye Khady Ndiaye, la patronne du salon de beauté jugée pour complicité, ont fait de même. L’accusée, enceinte de huit mois, a fait face seule aux juges. Personne n’a plaidé pour elle.

Le procès a donné lieu, en dehors de tout huis clos, à un extraordinaire exposé dans les détails les plus crus, rompant avec la pudeur de mise dans la société sénégalaise, avec des échanges sur la virginité de la plaignante et les prélèvements de sperme effectués sur elle.

Le procès a aussi offert une plongée dans le fonctionnement discret d’un établissement à l’heure du couvre-feu pendant la pandémie, avec les différents types de massage proposés à l’insu d’une grande partie d’une population très observante.

M. Sonko, marié, père de famille, a reconnu être allé se faire masser, mais pour apaiser des douleurs de dos chroniques et après avoir demandé l’assentiment d’un conseiller spirituel, assure-t-il.

La plainte d’Adji Sarr a passagèrement mis la question du viol sur la place publique où elle est volontiers passée sous silence. Adji Sarr a été attaquée et menacée sur les réseaux sociaux. Elle a toujours réclamé justice.

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